Caractéristiques communes
Issues de ces fluctuations, il reste aujourd'hui trois grandes revues à vocation plutôt généraliste, bien qu'orientées vers le droit privé : Le recueil Dalloz, La Gazette du Palais et La Semaine juridique. Ces trois publications présentent plus d'un trait commun.
D'une part, elles s'inscrivent toutes dans une périodicité hebdomadaire. Même si le Journal de la Gazette du Palais paraît plusieurs fois par semaine, les rubriques sont traitées à un rythme hebdomadaire ; chaque journal de la semaine présentant des rubriques bien définies qui ne reviennent qu'au bout d'une semaine.
D'autre part, la matière traitée est toujours présentée de manière tripartite, suivant les trois grandes sources du droit : doctrine, jurisprudence, législation. La législation est la partie la moins développée puisque que le Journal officiel est là pour assurer un rôle plus systématique en la matière. Cette division en trois parties est très nette, au point que dans certains cas, la couleur des cahiers consacrée à certaines parties peut varier. Il peut également arriver que l'une des parties (la jurisprudence principalement) fasse l'objet de sous-divisions entre les décisions rapportées intégralement avec commentaires (partie jurisprudence proprement dite), les sommaires commentés, les informations rapides, ou les panoramas de jurisprudence lesquels sont tous des survols plus ou moins allégés de la jurisprudence récente.
De plus, cette division a constitué la base même du système éditorial, à l'époque classique des revues, et jusqu'à une date toute récente. En effet, les trois parties étaient systématiquement éditées sous formes de trois cahiers (ou plus) détachables, livrés sous une même couverture simplement agrafée et par conséquent séparables par le lecteur en vue de les relier ensemble sur une année. La pagination des cahiers ainsi rendus autonomes est propre à chaque partie et réalisée en continu au long de l'année. De sorte qu'en fin d'année, un utilisateur qui le souhaite peut faire relier la collection de l'année en deux ou trois volumes selon l'importance de la publication, ce qui permettra de retrouver les trois grandes parties en continu, les tables annuelles fournies par l'éditeur venant naturellement s'intégrer à la fin du dernier volume. Ainsi naissent sur les rayons des bibliothèques juridiques les mètres linéaires (et les kilos !) des collections du Dalloz, de la Gazette du palais ou de la Semaine juridique.
Le Recueil Dalloz
Le seul nom de Dalloz se confond un peu avec le droit... Fondée en 1845, la célèbre maison d'édition reprend le flambeau d'une publication née en 1824 pour créer ce qu'on nommera commodément le Recueil Dalloz, même si dans son histoire il connut toute une série de titres et d'éditions diverses. Il reçut les noms de Recueil Dalloz périodique, Recueil Dalloz critique, Recueil Dalloz hebdomadaire au cours des temps. Ainsi s'expliquent les notations abrégées dans les références bibliographiques D.P., D.H., D.C. et plus simplement D. qui visent toujours le Recueil Dalloz dans l'un de ses avatars. Il a encore changé de titre exact en 1999 pour devenir Recueil Le Dalloz. Cette publication dynamique absorbe le Recueil Sirey à partir de 1955. Il sera connu pendant quelques années sous le nom de Recueil Dalloz Sirey. Plus tard d'ailleurs, les éditions Sirey elles-mêmes seront rachetées par les éditions Dalloz.
La Gazette du Palais
Née en 1881 la Gazette du Palais est pendant de longues années, de 1881 à 1941, un quotidien. Elle est depuis lors une publication tri-hebdomadaire (toujours baptisée journal pour distinguer cette diffusion du recueil évoqué ci-dessous) qui répartit aujourd'hui les diverses grandes rubriques sur la semaine (chaque numéro n'aborde pas les mêmes rubriques). Hormis les grandes et classiques rubriques (doctrine, jurisprudence et législation) le journal fourmille d'informations relatives à la vie du Palais, événements professionnels, voire mondains qui affectent la vie des professionnels qui se croisent au Palais de Justice de Paris (lequel groupe le Tribunal de grande instance, la Cour d'appel et surtout la Cour de cassation). Ainsi est-on informé de tel départ à la retraite (avec cocktail de départ...) telle installation (arrivée d'un magistrat), etc. On trouve aussi un grand nombre de petites annonces professionnelles (cession de cabinet d'avocats, de charges d'huissiers, appel à associations, recrutements...). C'est donc un instrument d'information très immédiat de par son rythme de publication, mais très bavard. Outre ce journal, l'abonnement comprend le service d'un supplément qui est le Recueil de la Gazette du Palais. Celui-ci est bimestriel et reprend la substantifique moelle du journal. C'est-à-dire qu'il fournit à l'abonné, sous forme d'un recueil compact la matière essentielle du journal : doctrine, jurisprudence, législation et quelques autres informations utiles, éliminant ainsi les informations anecdotiques évoquées ci-dessus. Ces volumineux cahiers bimestriels permettent donc au juriste de travailler sur un document plus commode que le journal jetable au bout de deux mois. C'est ce recueil broché qu'il peut démonter et faire relier en fin d'année en une tomaison annuelle.
La Semaine juridique
Née en 1927 par l'absorption de plusieurs revues préexistantes, à l'initiative de l'éditeur des Juris-Classeurs, d'où son autre titre : le Juris-Classeur périodique (J.C.P. en notation abrégée, presque jamais Sem. Jur. : ainsi, cette revue se prononce Semaine juridique et s'écrit J.C.P. !).
De 1927 à 1941 cette revue reste assez monolithique, avec une seule édition. À partir de 1942, des éditions spécialisées se détachent, notamment celle, toujours en activité, destinée au notariat (édition notariale, notée (N) en référence bibliographique), de sorte que la branche principale devient l'édition dite générale (notée (G)). Plus tard va se créer l'édition Commerce et Industrie (notée (CI)) qui ne tardera pas à se renommer édition Entreprise (notée (E)). D'autres éditions auront une vie plus éphémère comme la défunte édition Avoués.
La particularité de la Semaine juridique, quelle qu'en soit l'édition, est qu'elle numérote en continu les articles publiés dans chacune des grandes divisions de la revue. Ainsi les articles de jurisprudence, comme ceux de doctrine ou de législation, sont-ils numérotés en continu au long des années, et ce sont ces numéros qui servent à les repérer dans les références bibliographiques habituelles.
Les tables
Les tables de ces revues méritent tellement de s'y arrêter, qu'il apparaît justifié de leur consacrer un paragraphe à part.
Nous l'avons déjà dit, les tables des grands revues sont des points d'accès à l'information très importants. Ils sont, en quelque sorte, des bases de données documentaires avant la lettre, comme le soulignait un temps, la publicité de la Gazette du Palais, sur son site Internet.
Ainsi chaque grande revue décrite précédemment publie-t-elle une table semestrielle du contenu de sa publication. En fin d'année, une table annuelle vient remplacer et cumuler les deux tables semestrielles.
Les tables de la législation sont toujours présentées sous deux entrées : chronologique et thématique. Les tables de la jurisprudence suivent le même schéma. Le Recueil Dalloz offre, en outre, une table par le nom des parties aux procès. Ce sont les seules tables de jurisprudence à offrir cet accès supplémentaire, non négligeable dans certains cas (1).
Tables annuelles de la Gazette du Palais
Le summum est sans doute atteint par les légendaires tables de la Gazette du Palais. Dès l'origine, les fondateurs de la célèbre revue ont souhaité regrouper dans les tables, la presque totalité des articles publiés, la plupart des revues juridiques de l'époque (une trentaine de titres). De sorte qu'on se trouve face à la première véritable base de données bibliographiques juridique, et ce dès 1881 ! C'était un exploit qui se poursuivra tout au long de la vie de la Gazette. Mais les éditeurs vont faire mieux.
Tables triennales de la Gazette du Palais
Ils vont compiler ces tables générales sur plusieurs années. Ainsi naissent les tables quinquennales de la Gazette du Palais, ouvrage à part entière occupant deux, voire trois lourds et épais volumes de grand format. La recherche rétrospective était ainsi simplifiée et accélérée par ce regroupement par tranches de 5 années de la production juridique française, toutes sources confondues. L'inflation juridique jouant, les tables sont devenues triennales depuis quelques décennies. Mais l'exploit documentaire reste unique en la matière. Encore une fois, aucun domaine de la connaissance n'a connu un tel effort documentaire aussi continu et aussi efficace.
|cc| Didier Frochot - novembre 2004
Notes :
1. Voir cependant les questions d'anonymisation des décisions de justice sur Internet, qui pourraient avoir aussi une incidence sur le papier.