Qui parle de lutter contre le téléchargement illégal ?

La plupart des médias, dans un grand concert de conformisme, présentent toujours la loi Hadopi comme une loi pour lutter contre le téléchargement illégal. Pourtant rien n'est plus faux, comme nous l'avons déjà montré dans notre actualité du 21 avril dernier.

Rappelons donc que la loi Hadopi n'a absolument pas pour but de renforcer la répression du téléchargement illégal. Cette fonction est aujourd'hui assurée par la loi dite DADVSI du 1er août 2006, transposant la directive du même nom et prévoyant elle aussi la lutte contre le téléchargement illégal, dans la droite ligne des traités de l'OMPI du 20 décembre 1996 sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information.

Ce que la loi Hadopi prévoit, c'est une sanction administrative contre tout titulaire d'une connexion Internet qu'il aurait négligé de surveiller et qui de ce fait aurait (conditionnel important) vu passer un téléchargement illicite. L'autorité administrative mise en place, l'HADOPI, aurait dans ce cas, suite à dénonciation des représentants de l'industrie de l'audiovisuel et des titulaires de droits, mission d'envoyer deux avertissements sans frais au titulaire de la connexion Internet, l'informant qu'un ou plusieurs téléchargements ont été faits à partir de sa connexion. L'HADOPI n'a d'ailleurs pas l'obligation de préciser quelles œuvres ont été téléchargées, ce qui met le titulaire de la connexion dans l'impossibilité de se défendre. Le troisième avertissement est accompagné d'une suspension de la connexion sans discussion préalable possible.

La loi précise bien que l'opportunité de poursuites pout téléchargement illicite est indépendante de ces dispositions et que celles-ci ne pourront se faire, conformément au code de la propriété intellectuelle dans sa version de 2006, que si la preuve est apportée qu'il y a eu effectivement téléchargement illicite.

On a donc deux dispositifs totalement indépendants, pour ne pas dire schizophrènes :

  • d'un côté on peut couper l'accès Internet à tout citoyen sur simple supsicion de téléchargement, le crime étant de n'avoir pas surveillé sa connexion ;
  • de l'autre la vraie poursuite pénale devant les juges pour délit de contrefaçon par téléchargement illicite qui de toute façon existe depuis 2006.

La première sanction, celle du présent projet de loi, est ce que nous avons nommé délit de faciès sur Internet, avec déni absolu des principes des droits de la défense et création d'un arbitraire administratif, délicatement masqué sous la création d'une autorité indépendante.

Il importe à tout citoyen de savoir que le principe des droits de la défense est non seulement un principe général du droit reconnu de longue date par le Conseil d'État en France, mais aussi un droit de l'homme reconnu par toutes les déclarations de droits de l'homme qui soient : celle de l'ONU de décembre 1948 (article 10), celle de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du Conseil de l'Europe (article 6).

Rappelons qu'en outre, cette loi porte atteinte, une fois de plus à la vie privée des citoyens puisqu'il suffira d'une dénonication des sociétés de gestion de droits auprès de l'HADOPI pour que celle-ci pouisse connaître l'identité d'un abonnà à Internet et de voir ses connexions.

Par ailleurs, le Parlement européen vient de revoter un amendement au "paquet télécom" selon lequel aucune atteinte à l'accès à Internet, considéré comme un nouveau droit de l'homme, en tout cas participant au prinicpe d'accès à la connaissance pour tous, que par la décision d'un juge. Cet amendement européen, "remake" de l'amendement 138 englouti par le Conseil européen en juin dernier, devrait remettre en cause l'application de notre future loi, à condition que dans un nouveau déni de démocratie, le Conseil européen n'enterre pas de nouveau celui-ci.

Malgré tous les avertissements reçus (voir nos autres actualités ci-dessous), le gourvernement persiste dans son intention de faire voter une loi que même le rapporteur de la loi DADVSI, membre de sa majorité, Chrsitian Vanneste, s'évertue déclarer tout aussi obsolète aujourd'hui que celle qu'il a défendue en 2006, puisque les techniques ont largement évolué.

Cependant, le vote de la loi a une nouvelle fois été reporté ; c'est en principe pour le 12 mai...

Le pays des droits de l'homme serait-il donc tombé sur la tête ou va-t-il entendre raison ?

Sur ce sujet, voir nos actualités :
3 novembre 2008 : Flux permanent sur la loi Hadopi
20 novembre 2008 : La riposte graduée pour les nuls
21 janvier 2009 : Main basse sur les droits d'auteur ?
13 mars 2009 : Citoyens sous surveillance : la loi Hadopi enflamme le monde internet
16 avril 2009 : Hadopi : les internautes francais sous surveillance
21 Avril 2009 : Hadopi : Délit de faciès sur Internet

Didier FROCHOT