La diffusion de copies d'œuvres d'auteurs étant illicite dans la plupart des cas, les éditeurs ont conçu divers systèmes pour faire en sorte que les diffuseurs de copies ne soient plus dans l'illégalité. Tous ces systèmes passent par le paiement d'une redevance à des sociétés de gestion collectives de droits d'auteur.
De par le monde, il existe trois systèmes de licence de droit de copie.
Licence contractuelle, licence légale, licence obligatoire.
Licence contractuelle
La licence contractuelle consiste à autoriser, par contrat, la diffusion de copies d'œuvres d'auteurs. Le contrat est passé, en principe librement, entre personnes responsables, entre la société de gestion collective des droits des auteurs et le diffuseur de copies. C'est le système que le CFC avait essayé d'instaurer en France, avant 1996. C'est aussi le système qui prévaut aux USA et au Royaume-Uni. Dans ce cadre, le tarif est librement négocié, au cas par cas, entre la société centralisatrice et le diffuseur de copies.
Licence légale
La licence légale est un système par lequel l'autorité étatique impose uniformément à tout diffuseur de copies, une redevance dont les conditions de tarif et de versement sont fixées par un texte légal. Ce système est en vigueur dans plusieurs pays d'Europe du nord.
Licence obligatoire
La licence obligatoire - ou licence mixte - est le système par lequel l'autorité étatique ne fixe pas les tarifs ni les conditions de versement des droits, mais fait obligation aux partenaires (sociétés de gestion collective et diffuseurs) de négocier, à l'image des conventions collectives de notre droit du travail. C'est dans un système de ce genre que la France s'est engagée à l'issue du vote de la loi du 3 janvier 1995. Ce système est également en vigueur dans certains pays d'Europe continentale.
Avantages et inconvénients de chaque système
Licence contractuelle
À l'évidence, la licence contractuelle présente le défaut - que nous avons souvent dénoncé à l'époque où le CFC prétendait l'appliquer (1) - d'être profondément inégalitaire au départ puisque c'est le premier partenaire acceptant de signer qui commence à payer, les plus récalcitrants (ou les plus puissants) des diffuseurs restant le plus longtemps possible, exonérés de tout paiement. Certes, les dirigeants du CFC avaient bien eu conscience de ce défaut et ils avaient imaginé un système de dates de référence : dans un secteur donné, il était prévu que tous les contrats signés s'appliqueraient rétroactivement à une date commune. Sans s'attarder sur la douteuse licéité de telles clauses, il n'en reste pas moins que d'un secteur à l'autre, l'inégalité demeurait. En pratique, même cette disposition n'a pas eu beaucoup de succès ; c'est pourquoi, les éditeurs et les sociétés de gestion collective ont fini par obtenir du législateur, un changement de régime.
L'autre inconvénient est la lourdeur du système. En effet, l'esprit d'une telle licence est de cerner au mieux, l'exploitation des droits de chaque auteur (c'est du moins l'intention annoncée au départ). Il s'ensuit que dans un système de licence contractuelle, il faut connaître précisément qui est copié, en combien d'exemplaires, etc. D'où l'exigence de tenue de statistiques précises des photocopies effectuées, ce qui représente un travail assez lourd dans les centres de documentation. Là encore, les plus grands principes trouvent de curieuses distorsions... Le CFC s'est très vite contenté de la mention des éditeurs copiés, et du nombre de pages, à l'exclusion de la mention, jugée trop contraignante à collecter, des noms des auteurs... De sorte que la moitié de la raison d'être d'une telle licence devenait caduque.
Comme cette charge de tenir des statistiques était encore trop mal acceptée par les rares partenaires acceptant de négocier avec le CFC, le système des enquêtes par échantillonnage s'est substitué un peu partout (pratique héritée des pays anglo-saxons) au régime du relevé complet : un pointage des copies est réalisé sur une période prise comme référence (entre 15 jours et 2 mois par an) et extrapolée sur l'année entière. Les sommes dues sont calculées sur cette base. On le voit, une nouvelle fois, la précision tant vantée de la licence contractuelle avait, dès son implantation en France, quelques plombs dans l'aile...
Un autre très gros défaut à la licence contractuelle est son coût. Assise sur peu de «partenaires», son coût en est naturellement très élevé alors que les licences légales ou obligatoires (cf. ci-dessous), concédant une sorte de forfait assis sur tous les copistes, aboutissent à des coûts nettement plus bas. C'est du moins ainsi qu'on présentait la licence contractuelle dans les milieux de l'édition dans les dernières années 80 (2). En réalité, avec le recul du temps, cet argument paraît assez illogique, pour ne pas dire franchement insoutenable. Ce serait avouer en fait que seuls ceux qui ont signé paient pour ceux qui ne l'ont pas encore fait...
Licence légale
La licence légale a pour mérite de répartir largement et égalitairement le paiement de droits entre les débiteurs concernés. De plus, la pratique montre que les tarifs sont très largement inférieurs à ceux pratiqués dans les pays de licence contractuelle (dans un rapport de 1 à 10, voire plus). Il faut signaler que la licence légale est établie dans des pays dont les citoyens sont dotés d'un sens civique supérieur à celui des pays latins...
Son inconvénient est certes la lourdeur des procédures de révisions des redevances. Et aussi son aveuglement par rapport aux auteurs, car il est en général impossible de connaître précisément les auteurs copiés.
Licence obligatoire
Pratiquée dans son intégralité, elle peut sembler le meilleur système. Non totalement contraignante comme la licence légale, mais largement implantée (tout le monde a obligation de passer des conventions avec les sociétés de gestion collective), elle aménage un espace de négociation.
La pratique française en vigueur depuis juillet 1996 (date d'agrément du CFC) présente-t-elle ces caractères de libre négociation ? La réponse est malheureusement non, puisque les instances du CFC entendent le terme « convention » dans un sens de «contrat d'adhésion». Dans le système qui tente de s'implanter, les tarifs sont unilatéralement fixés par le CFC en dehors de tout esprit de concertation avec les acteurs en présence. Le terme de convention visé par la loi perd alors tout son sens...
C'est pourquoi nous sommes resté réservé quant à la classification dans les licences obligatoires du système français. Mais il reste que c'est le modèle (pour parler comme les économistes) duquel il se rapproche le plus. Ce qui est certain, c'est qu'on n'est plus en système de licence contractuelle dès lors qu'un texte de loi fait obligation aux diffuseurs de copies de traiter avec « les sociétés » agréées.
|cc| Didier Frochot - 2000-2003
Voir aussi Fiche sur le CFC
Notes :
1. Entre 1985 et 1995.
2. Salon Interpress de 1987.