Le microcosme du droit de l'internet a pu suivre, au cours de l'été, le litige ayant opposé Bayard Presse, détenteur des droits d'auteur sur Petit ours brun et de la marque éponyme, à la plateforme de partage vidéo Youtube.
La décision rendue par le tribunal de grande instance de Paris, en date du 10 juillet 2009, confirme le courant jurisprudentiel forgé, semble-t-il, par le tribunal de commerce de Brest dans une ordonnance du 6 août 2008, faisant elle-même écho à une ordonnande de référé du TGI de Toulouse en date du 13 mars 2008.
Dans ces trois affaires, le manque de réactivité immédiate de l'hébergeur est considéré comme fautif et permet au juge de considérer que sa responsabilité est engagée et de le condamner à indemniser la victime.
La loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN), dans son article 6-I, 2°, a prévu que l'hébergeur ne peut être responsable des contenus hébergés si, ayant acquis la "connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où [ils] en ont eu cette connaissance, [ils] ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible". Le 5° du même article 6-I aménage la procédure pour informer l'hébergeur du caractère illicite ou litigieux des contenus qu'il héberge.
Dans les 3 affaires, les hébergeurs ont tardé à réagir. Le TGI de Toulouse a précisé la notion consistant à "agir promptement" : lorsqu'un hébergeur reçoit une notification un vendredi, il ne doit pas attendre le mardi qui suit pour agir ; l'excuse du week-end n'est pas retenue. Le tribunal de commerce de Brest a condamné la société eBay aux frais de justice parce que celle-ci avait attendu d'être assignée en justice pour retirer les informations litigieuses de sa plateforme.
Dans la dernière espèce — celle de cet été — le 20 juin, Bayard-Presse avait informé Youtube de ses droits d'auteurs et de sa propriété sur la marque "Petit ours brun", signalant en même temps que des vidéos concernant ce personnage étaient présentes sur la plateforme. Dans son jugement du 10 juillet, le TGI de Paris estime que cette mise en demeure suffisait à informer l'hébergeur qui avait ainsi acquis la connaissance de la présence d'éléments illicites sur son site. N'ayant pas immédiatement réagi, la plateforme Youtube se voit condamnée à 50 000 € de dommages intérêts et à 10 000 € au titre de l'art. 700 du code de procédure civile (pour les frais du procès).
Les juges relèvent également que la procédure de notification suggérée par l'article 6-I 5° n'est pas la seule qui soit utilisable : dès lors que l'hébergeur acquiert la connaissance qu'il héberge un contenu illicite ou litigieux, sa responsabilité est engagée s'il ne réagit pas rapidement, et peu importe le mode de transmission des éléments qui l'informent.
Voir l'article 6-I de la LCEN sur Légifrance :
www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000020740370&cidTexte=LEGITEXT...
Le jugement intégral du TGI de Paris du 10 juillet 2009 sur Legalis.net :
www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=2693
L'ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Brest du 6 août 2008 sur Legalis.net :
www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=2414
Voir notre actualité sur cette dernière décision en date du 15 septembre 2008.
L'ordonnance de référé du TGI de Toulouse du 13 mars 2008 sur Legalis.net :
www.legalis.net/jurisprudence-decision.php3?id_article=2246
Voir nos articles sur la responsabilité éditoriale dans notre Dossier spécial Droit de l'Internet, notamment La responsabilité des hébergeurs de sites web au regard du nouveau régime juridique.