Coup sur coup, le Tribunal de grande instance de Paris a rendu plusieurs décisions intéressantes en matière de droit à l'image des personnes. Nous avons déjà rendu compte de l'une d'entre elles (notre actualité du 27 novembre) concernant une ordonnance de référé.
La décision qui nous occupe cette fois-ci est un jugement du TGI de Paris en date du 21 novembre.
Les faits en bref
Une modèle avait posé pour une marque de vêtements pour un montant de 300 € par séance puis sans rémunération lorsqu'elle avait été embauchée par la marque pour d'autres fonctions. Ces photos ont été diffusées sur le catalogue en ligne de la marque à destination des grossistes puis sur internet et sur les réseaux sociaux. Aucun document n'avait aménagé son autorisation et, ayant d'autres fonctions dans l'entreprise, elle ne s'attendait pas à voir son image aussi largement diffusée.
La décision des juges
Le jugement du TGI constate bien évidemment l'absence d'autorisation, ou si l'on préfère, de cession de quelque droit à l'image que ce soit de la part de la modèle. Elle condamne donc son employeur à 4000 € pour réparation du préjudice moral et 6000 € pour le préjudice patrimonial (absence de rémunération).
À propos de l'accord d'exploitation de l'image d'une personne
Cette décision fait réfléchir sur deux notions essentielles et qui sont communes au droit d'auteur et au droit à l'image des personnes : l'obligation d'un consentement exprès et le périmètre d'exploitation.
L'obligation d'un consentement exprès
En droit à l'image comme en droit d'auteur, le titulaire des droits (personne concernée ou auteur) doit expressément donner son accord pour que son image ou son œuvre soit exploitée. Nous recommandons souvent de traiter la cession de droits à l'image sur le modèle des actes de cession de droits d'exploitation de l'auteur qui suppose rigueur et précision. La jurisprudence semble rejoindre cette position en rappelant régulièrement qu'en l'absence d'accord de la personne concernée, son image ne saurait être exploitée.
Dans le cas qui nous occupe, on aurait pu supposer qu'ayant accepté de poser pour des photos pour la marque de vêtements, elle donnait implicitement son accord à leur exploitation. Il n'en est rien, d'autant plus que si on pouvait admettre un tel accord tacite, cela ne résoudrait en rien le deuxième aspect : la détermination du périmètre d'exploitation de ces images.
Un périmètre d'exploitation délimité
On sait que lors de la cession de droits d'exploitation sur une œuvre d'auteur, il est nécessaire – à peine de nullité de l'acte - de déterminer un périmètre d'exploitation de l'œuvre, quant aux droits d'exploitation cédés, à l'étendue et la destination de celle-ci, au lieu et à la durée de cette exploitation (article L.131-3 al.1er du Code de la propriété intellectuelle – voir notre article sur Les actes de cession de droits d'auteur).
Il doit en être de même en droit de l'image pour deux raisons.
La saine maîtrise de l'exploitation de son image
Lorsqu'une personne consent, même contre rémunération, à autoriser l'exploitation de son image, un acte doit pouvoir lui garantir à quoi elle s'engage en termes de durée (on l'a vu dans notre actualité du 27 novembre), mais aussi de supports et de diffusion. Il semble donc inévitable de procéder à la rédaction d'un acte précis.
Le consentement et la finalité des données à caractère personnel
On oublie souvent dans le contexte du droit à l'image cet autre volet juridique. L'image d'une personne est bien évidemment une donnée à caractère personnel. À partir de là, le RGPD s'applique avec notamment l'obligation de déterminer le responsable du traitement de ces données, les finalités du traitement – en l'occurrence : quel usage des images ? à quel public ? dans quel périmètre ? – et d'en informer la personne concernée (article 13). Et comme l'article 7 du Règlement pose le principe du recueil du consentement de la personne et de la conservation de celui-ci, il est évident qu'on retrouve l'obligation d'un acte écrit.
Dans les faits jugés qui nous intéressent ici, la modèle occasionnelle n'avait expressément consenti à rien et par conséquent rien n'avait été défini quant au périmètre de diffusion de ses images.
En savoir plus
Voir le jugement du TGI de Paris du 21 novembre 2018 sur Legalis.net.
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